Chronique d’un stress annoncé

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Ouais, ouais, je sais : ça fait fort fort longtemps que je suis pas venue faire de mise à jour. Mais comprenez, les temps ont changé, ces temps lointains où j’étais au chômage et où j’avais le temps d’écrire des articles inutiles lus par trois pelés et un tondu (je sais pas d’où vient cette expression mais elle m’a toujours fait marrer). Les temps ont changé disais-je : j’ai trouvé un vrai travail et je me suis rabattue sur Facebook qui, bien qu’apparemment en déclin, est quand même un peu plus fréquenté que les blogs.

Pour vous dire, ça fait tellement longtemps que je suis pas venue ici que j’ai mis 15 minutes à retrouver mon mot de passe.

Mais voilà, il y a une dizaine de jours a eu lieu un événement qui m’a décidé à remettre le pied à l’étrier (les temps ont changé oui, mais pas mon amour pour les expressions désuètes !). Mais laissez-moi vous raconter cette belle histoire du début.

Par le biais de Facebook donc, le référent du Service Civique de la région Lorraine (j’espère ne pas me tromper, pour moi la répartition des régions du nord de la France est à peu près aussi opaque que la raison pour laquelle un hôpital a prescrit à ma grand-mère, qui venait de se faire une grosse entorse de la cheville, une crème contre les coups de soleil – WTF ?), bref Thierry R. donc, a eu connaissance de mon livre, l’a lu et a décidé de m’aider à le promouvoir.

J’ai tout d’abord eu droit à un encart dans la Newsletter nationale du Service Civique (voir sa trombine dans une newsletter d’un Ministère, ça fait quand même un truc !), et puis mon livre a été porté à la connaissance de la Direction Régionale de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale du Languedoc Roussillon (affectueusement nommée DRJSCS, j’aime bien les sigles interminables et imprononçables comme ça, je sais pas moi, le jour où ils ont décidé d’appeler ça comme ça, y’avait pas dans la réunion un type un peu fun qui aurait pu avoir l’idée de faire un sigle rigolo, genre Direction Régionale Opérationnelle du Languedoc, Etc – la DROLE – ou, euh, Direction des Enfants, des Jeunes, des Escrimeurs et des Unions Nationales des Equipes de Rugby – la DEJEUNER… ? Y’a quand même pas à dire, l’Etat, c’est pas des comiques).

Bref, toujours est-il qu’un certain Rodolphe B. m’a un jour envoyé un email pour me demander si ça m’intéresserait de participer au premier rassemblement des volontaires du Languedoc Roussillon, en tant qu’intervenante qui pourrait venir témoigner et parler de son livre-absolument-hilarant (ouais, bon, il me l’a pas dit comme ça, parce que le livre il l’a commandé y’a plusieurs semaines et mon éditeur super réactif ne lui a toujours pas envoyé, mais bon, s’il avait pu le lire c’est très certainement comme ça qu’il me l’aurait écrit).

Attends, attends, attends, tu parles que ça m’intéresse ! Je vais pouvoir rencontrer des volontaires actuels, me remémorer le bon vieux temps, peut-être soyons honnêtes vendre 2-3 bouquins et… Euh… Vous avez dit intervenante ? Quoi, ça veut dire que je dois parler devant DES GENS QUE JE CONNAIS PAS ? Bon, sur le coup je dis oui, j’ai deux mois pour me préparer, ça va aller… La journée est prévue le 16 juin 2014. Pile poil pour mon retour de vacances.

Juste avant de partir en vacances, en Corse si vous voulez tout savoir (et je sais que vous voulez, curieux que vous êtes !), je m’écris un petit discours vite fait histoire de me préparer un peu. Et ça commence à me stresser. Je m’imagine parler devant tout un tas d’inconnus (Rodolphe m’a parlé d’une centaines de volontaires, UNE CENTAINE !), avec un micro. J’ai jamais parlé devant autant de personnes, ni même parlé dans un micro (je veux dire à part chanté au karaoké « Les Champs Elysées » avec 4 collègues de travail à l’anniversaire d’un foyer pour personnes handicapées pour lequel je bosse – je sais pas si ça compte ?). Bordel, mais pourquoi j’ai dit oui ?!

Bon, trêve d’angoisses insensées, je pars en vacances et je décide de reporter ma crise de panique à mon retour.

Vous êtes déjà partis en vacances avec un dingue de randonnée ? J’ai eu la chance de vivre cette expérience inédite en parcourant la Corse à dos de Kangoo avec l’hyperactif-et-magicien-rempli-de-cheveux-qui-partage-ma-vie. Je sais, là vous vous demandez si j’ai pas grave bugué dans ma transition, mais vous allez voir, il y a un lien. Sur 9 jours, on a marché environ 70km, avec un dénivelé total de 3300m (fermez les yeux et imaginez-vous marcher plus de 3 kilomètres EN HAUTEUR et revenez lire la suite quand vous aurez repris votre souffle). Et certaines fois, dans des montées interminables jalonnées de cailloux et sous un soleil de plomb, quand tes jambes ne te portent presque plus et que chaque pas devient un calvaire, si t’occupes pas ton cerveau, t’es mort. Alors parfois pour m’occuper je chantais des chansons dans ma tête – mon top 3 étant composé de « Petite Marie » de Francis Cabrel, de « Sugar baby love » des Rubettes,  un tube récent de 1974, et de La Marseillaise, allez savoir pourquoi, je me sens pas particulièrement patriote mais peut-être était-ce pour mon cerveau une façon de m’auto-encourager comme le public dans un stade de foot le fait pour l’équipe de France (mais ça, c’était avant) ?!

Et puis d’autres fois, quand ces pauses musicales et répétitives ne suffisaient plus, je me suis dit que c’était l’occasion… de répéter mon discours. Et me voilà, grimpant méthodiquement des chemins sinueux remplis d’éboulis, me récitant dans ma tête des « Bonjour à toutes et à tous… » entre deux essoufflements dignes d’un fumeur de longue date. Je me suis même surprise à rire toute seule, m’imaginant débarquer le 16 juin devant la foule et parler en ponctuant mes propos d’essoufflements et de « putain j’ai trop soif ! ».

Vint alors le grand jour. Parée d’un bronzage quasi parfait (à l’exception d’une légère marque de lunettes de soleil sur ma joue gauche me permettant de rappeler au monde que cette belle couleur hâlée ne m’est pas naturelle) et d’un carton de bouquins, et accompagnée de mon randonneur-de-l’extrême-qui-fait-aussi-office-de-VRP-personnel-à-ses-heures-perdues (oui oui, il est presque parfait), me voici donc avec une micro-pointe de stress débarquant sur le lieu du rassemblement, avec certes un peu de retard pour cause de « mon GPS-ce-crétin m’a pas envoyé du bon côté de la route qui fait plusieurs kilomètres ».

Le cadre est sympa, je m’attendais à être sur une estrade dans une salle, en fait tout se passe dehors dans un grand parc, « nous les intervenants » pouvons même rester assis pour parler. Lorsque vient mon tour, je me raisonne : franchement, c’est quoi parler 20 minutes devant une foule d’inconnus que je reverrai probablement jamais de ma vie ?  Bon, c’est là que je me rends comte que les 70km de marche que j’ai dans les pattes m’ont quand même fait du bien : moi, la phobique de la prise de parole en public, me surprends moi-même à avoir ce raisonnement-de-zénitude. Il n’y a rien à inventer, juste à raconter ma vie, mon oeuvre : comment s’est passé mon service civique, pourquoi j’ai écrit un livre, qu’est-ce que j’ai fait depuis, qui suis-je, où vais-je, pourquoi j’ai tiré un trait sur mon rêve de devenir le nouveau Bernard Werber mais en un peu moins chauve quand même, etc. J’ai prévu dans mon « discours » des petites notes d’humour : description de ma mission de chantier avec allusion à cette grande gueule   cette blondasse   la charmante Valérie Damidot, des galères auprès des administrations qui à l’époque considéraient les volontaires comme des militaires, de l’extraordinaire expérience de préparer chaque semaine un repas complet pour 20 personnes quand on a 20 ans et qu’on a l’habitude de se faire des pâtes à tous les repas, le tout avec 4 commis psychotiques de 75 ans… Immédiatement, je sens le public réceptif à mes blagues. Pour un peu je me lèverais et je leur ferais le monologue d’Edouard Baer dans Astérix mission Cléopatre que je connais par cœur, même si ça n’a rien à voir, juste comme ça, pour le fun. Mais non, ne nous emballons pas. Au lieu de ça, on finit avec quelques questions sympas de volontaires, et voilà. C’est terminé. Ca valait vraiment pas la peine de s’en faire en fait.

Après ça, j’ai tenu mon petit stand de bouquins. Pas mal de personnes sont venues me voir, et j’ai notamment eu droit à :

– Un éducateur d’une structure accueillant des volontaires qui est venu me dire qu’il avait bien aimé l’allusion à Valoche, ayant lui-même participé à l’émission D&co il y a quelques temps. Dingue. Parait qu’elle est sympa en fait. Parait aussi que le résultat était pas top top, si j’en juge à la grimace douteuse qu’il a faite pour répondre à ma question « et alors, le résultat de l’appart, c’était bien ? ».

– Plusieurs personnes qui m’ont dit qu’elles avaient beaucoup aimé mon intervention, et même que l’un d’entre eux m’a demandé « Bon alors, c’est pour quand le one-man-show ? ». Alors là je dis STOP. Arrêt sur image, pause, pouce, tout ce que vous voulez. « C’est pour quand le one-man-show ? », quoi. Il a dit ça, à moi. Moi la fille qui me prenait sur chaque bulletin de notes, de la première année de maternelle à la dernière année de lycée (et encore, c’est juste parce qu’à la fac y’a pas de bulletin hein), des remarques de l’ensemble des professeurs sur ma timidité excessive, rapport au fait que pas une seule fois ça m’est arrivé de lever la main pour répondre à une question en cours, et que quand on m’interrogeait de force j’avais envie de m’asperger d’acide et de me dissoudre instantanément. Pour dire, j’avais même honte d’aller chercher du pain parce qu’il fallait parler à la boulangère. Bref, ceci est un témoignage à tous les timides maladifs : oui, ça se soigne. Et le jour où un type inconnu te demande « c’est pour quand le one-man-show ? » parce que tu l’as fait marrer avec 3 blagues, t’es aussi fier que si t’avais gagné un Oscar.

– Deux interviews pour des radios dont j’ignore par ailleurs totalement les noms mais peu importe, l’essentiel étant que j’ai fait des interviews et que c’est carrément la classe.

– Des discussions avec plusieurs volontaires sympas qui m’ont notamment expliqué qu’en 6 ans rien n’avait changé et que dans les administrations, y’a toujours personne qui connait le service civique…

– Une rencontre avec Thomas Vilcot, Directeur du recrutement du groupe Casino, qui est un peu au recrutement ce que je suis au service civique (comme moi il a écrit un livre, comme moi il tient un blog hilarant… Le parallèle s’arrête là car son blog a reçu près de 15 000 visites et son livre est vendu par la Fnac… Nous n’avons pas les mêmes valeurs). Thomas Vilcot, il m’a même proposé d’écrire un article sur le service civique pour mettre sur son blog. J’y travaille… J’ai la pression, il écrit sacrément bien le type, je veux pas lui pondre un truc qui fasse tâche sur son blog. Et puis Thomas Vilcot, il m’a dit « Et l’Agence du Service Civique du coup, avec la pub que vous leur faites, ils ont du vous en commander au moins une centaine de bouquins, non ? ». Haha. Hahahaha. Non. J’y viens.

– Un salarié du siège de l’Agence du Service Civique, qui est venu m’acheter un livre et qui m’a glissé au passage « si je vous en prends un, vous m’en offrirez peut-être un pour ma Directrice ! ». Alors, comment dire… Sachant que j’achète moi-même des exemplaires à mon éditeur qui me les vend 11€ pièce, que je me refuse de les vendre au prix public (20€) parce que je trouve que c’est carrément trop cher pour un bouquin, et que donc je les vends 15€ , faisant par là-même une marge de 4€ par livre ; sachant que dans un Salon du livre classique j’en vends environ 3 sur une journée entière, calculez le nombre d’heures passées à attendre le cul collé à une chaise avec comme voisin de table un vieux qui te raconte sa vie sexuelle non-stop parce qu’il s’ennuie, tout ça pour absolument rien dans l’éventualité où je fasse cadeau d’un seul livre, et en tenant compte du fait que j’en ai envoyé un dans un élan de générosité et d’ultime espoir à François Chérèque, Président de l’Agence du Service Civique qui par ailleurs ne m’a jamais répondu et doit s’en servir pour caler son bureau bancal. Ca répond à la question ? C’est à cet instant là que j’avais envie d’appeler à l’aide Thomas Vilcot et de lui dire « vous voulez bien répéter devant ce monsieur ce que vous m’avez dit tout à l’heure, vous savez le truc avec la commande d’une centaine de bouquins là, rapport au fait que je fais une méga pub au Service Civique, tout ça ? ». Bon enfin, le Monsieur il m’en a quand même pris un, ça suffit à me faire lui pardonner l’indélicatesse de sa remarque.

Bilan de la journée : 6 livres vendus, plein de gens géniaux rencontrés, un petit air de retour dans le passé au milieu de volontaires insouciants qui, j’espère, se rendent compte de la chance qu’ils ont de vivre cette incroyable aventure… Note à toutes les DRJSCSCGOIUGZFPJDMNMKF : je (re)viens quand vous voulez (à condition de me prévenir suffisamment à l’avance pour que j’aie le temps d’aller vider mon cerveau à coups de randonnées épuisantes mais magiques).

 

Et voilà qu’une dizaine de jours plus tard, quelle n’a pas été ma surprise de trouver dans ma boîte aux lettres un petit carton à mon attention, provenant de François Chérèque en personne…

françois

 

« Jessica, Je voulais vous dire que votre livre est en bonne place sur mon bureau depuis mon arrivée à la tête de l’Agence du service civique. Il constitue un beau témoignage de ce que les jeunes savent créer et de leur générosité. Je vous remercie ».

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